Mythes et légendes

Sabbat et chasse aux sorcières à Bordeaux

Partager :

Des sorcières qui se rassemblent, des orgies à la gloire du diable, des sacrifices païens et des apparitions démoniaques. Oui, tout cela semble bel et bien avoir existé à Bordeaux, au cœur de la ville. Et comme tout histoire de sorcellerie, elle met en scène des procès et des exécutions.

Sommaire

Le sabbat et les sorciers du Palais Gallien
Pourquoi le Sabbat au Palais Gallien ?
Bordeaux, la chasse aux sorcières et les procès pour Sorcellerie
La fin de la sorcellerie à Bordeaux

Le sabbat et les sorciers du Palais Gallien

Si l’on en croit de nombreuses sources, ce sont au Palais Gallien et dans ses alentours que l’on pouvait assister à ces spectacles de sorcellerie. L’époque probablement la plus documentée et celle du XVIIème siècle. Les légendes veulent que sorciers et sorcières arrivent en volant vers ce lieu, pour participer au Sabbat, réunion présidée par Satan lui-même, et pendant laquelle d’effroyables rites occultes sont menés.

Description et figure du Sabbat des Sorciers
Description et figure du Sabbat des Sorciers – Pierre de Lancre

Pierre de Lancre, chasseur de sorcières bordelais, conseiller au parlement et tristement célèbre pour ses chasses au Pays Basque décrit dans son « Tableau de l’Inconstance des mauvais anges et démons » en 1613 :

[…] voire mefme ue le Diable eft venu tenir fes affifes aux portes de Bourdeaux & au carrefour du Palais Galienne, comme n’aguieres a déclaré au fupplice Ifaac du Queryran, Sorcier notable, qui fut exécuté à mort en l’an 1609.

Pierre de Lancre
Tableau de l’Inconstance des mauvais anges et démons – Pierre de Lancre

Pourquoi le Sabbat au Palais Gallien ?

Pourquoi les sorciers et les sorcières ont-ils choisi le Palais Gallien ? Ce vestige de l’époque gallo-romaine bordelaise a, pendant des siècles, servi de repère aux prostituées, aux truands et à toutes les activités illicites. Situé en dehors des murs de la ville, il bénéficiait d’une plus grande tranquillité. Durant la Pax Romana et le Moyen-Âge, les moines et les pèlerins qui passaient à proximité de l’amphithéâtre devaient assister à ces spectacles de débauche. Ils ont petit à petit associé les scènes de luxure, de bagarre et d’ivrognerie à des messes noires, dirigés elles-mêmes par le Diable.

Vue du Palais Gallien - 1500
Représentation au XVIème siècle du Palais Gallien par Ausone de Vinet

Ces commerces et ces activités se déroulaient dans une grande partie du quartier. L’actuelle rue Saint-Fort se nommait d’ailleurs à l’époque « rue de la Putoye » (je vous laisse faire le parallèle avec les dames de joie). Les moines de Saint-Seurin la renommèrent avec l’extension de la ville et l’arrivée de résidents plus distingués.

► Aller plus loin : Le Palais Gallien, amphithéâtre de Bordeaux

Bordeaux, la chasse aux sorcières et les procès pour Sorcellerie

L’une des principales références à la chasse aux Sorcières sur le territoire Bordelais (et plus généralement le Sud Ouest) est celle faite par Pierre de Lancre. Ce dernier avait été mandaté par Henri IV lui-même au début du XVIIème siècle pour éradiquer la sorcellerie depuis Bordeaux jusqu’au Pays Basque (dits Pays du Labourd). L’un des plus célèbres sorciers jugé et condamné fut Isaac de Queyran, originaire de Nérac.

Nous retrouvons également pas mal de références à des procès pour Sorcellerie dans le livre « Les procès de Sorcellerie au XVIIème siècle », rédigé par Frédéric Delacroix en 1896. Si jusqu’en 1609, les coupables de sorcellerie sont majoritairement emprisonnés, les places en prison se font rares et les procès trop nombreux. La Tournelle de Bordeaux décide de passer à des sanctions immédiates. Le bannissement et le fouet pour les sorciers qui ont seulement assisté au Sabbat sans se livrer à des maléfices. Le feu et e bûcher pour les sorciers qui le pratiquent.

bucher-sorcellerie
Illustration d’un bûcher suite à un procès de sorcellerie au XVIIème siècle

Exemple de cet élan meurtrier, De Lancre (oui, encore lui…) condamne en 1619 avec le parlement de Bordeaux la sorcière Stevenote de Audebert. Après avoir produit « une promesse contenant le pacte et convention qu’elle avait fait avec le diable, écrite en sang et si horrible qu’on avait horreur de la regarder », elle est pendue puis brûlée dans la journée.

Autre exemple en 1608 (merci à Séléné – Bibliothèque Nationale de Bordeaux pour la référence 🙂 ), avec trois espagnols et une espagnole condamnés au bûcher à Bordeaux. Diego Castal, Fransceco Ferdillo, Vincenzio Torrados et Catalina Fiosela furent reconnus coupables de plusieurs actes démoniaques, entre autres : utiliser des sortilèges pour faire sécher les vignes et les blés, faire mourir le bétail ou encore se transporter dans des villes à plus de 100 lieux (500 km environ) en une seule journée. Ils furent conduits et brûlés vif sur la place du marché du Porc, le 12 mars de la même année, réduits en cendre avec leurs parchemins et biens.

extrait du registre du parlement sorcellerie
Discours prodigieux et espouvantable, de trois espagnols & une espagnolle, magiciens & sorciers […] Ensemble l’arrest prononcé contr’eux, par la cour de parlement de Bourdeaux, le samedy dixiesme mars. Mil six cens huict

Source : Séléné
Lien vers le document original

La fin de la sorcellerie à Bordeaux

C’est au XIXème siècle que s’arrêteront réellement les histoires de Sorcellerie à Bordeaux. La réhabilitation du Palais Gallien, la densification de la population et le passage dans des époques moins obscurantistes emportent avec eux cette part sombre de l’histoire de la ville.

Mais qui sait, peut-être, que les sorciers et les sorcières sont toujours là, quelque part ? Et si un mercredi ou vendredi d’orage, vous entendez au loin chants et cris, peut-être sont-ils toujours en train de pratiquer le Sabbat !

Sources

  • Bibliothèque Nationale de France/ Gallica
  • Les procès de sorcellerie au XVIIe siècle (10e édition) / Frédéric Delacroix – 1896
  • Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons , où il est amplement traicté des sorciers et de la sorcellerie… par Pierre de Lancre,… – 1613
  • Le démon, essai historique et philosophique – Joseph Bizouard – 1863

Partager :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *