Le château ou fort du Hâ
Le Château du Hâ est l’un des monuments emblématiques de la ville de Bordeaux avec ses deux tours. D’abord bastion et palais, il sera peu à peu transformé en prison avant d’accueillir l’école nationale de la magistrature.
Sommaire
Où se situe le Fort du Hâ à Bordeaux ?
C’est l’Ecole Nationale de la Magistrature qui occupe aujourd’hui l’emplacement du Fort du Hâ (mais nous y reviendrons). L’adresse officielle est le 10 rue des Frères Bonnie au centre de Bordeaux, située entre la place Pey Berland (et la cathédrale Saint André) et la cours d’Albret (jouxtant le palais de Justice). Il est bordé par l’affluent de la Garonne, Le Peugue, jadis visible en plein air, mais aujourd’hui confiné en sous-sol.
Aujourd’hui, il est toujours possible de voir depuis l’extérieur une partie de l’enceinte du château du Hâ. Imposante, la tour des Minimes est encore debout, bordée par l’allée piétonne qui longe le fort.
D’où vient le nom du Château fort du Hâ ?
Il faut aller chercher dans le gascon du XVème siècle, pour comprendre l’étymologie du nom du Fort du Hâ. A cette époque, on parle dans les documents du « Far », qui signifie « Phare », « Guet« . Le site gasconha.com nous explique comment le nom a dérivé. Le « f » se disait déjà « h » oralement et le « r » était souvent aspiré dans le langue d’oc. Les écrits ont donc repris la mot en fonction de la prononciation locale « Hâ » et non l’orthographe gascon.
Le mot gascon « Far » aurait été donné au lieu du fait de la présence sur place d’un fanal. Il s’agissait d’une lanterne, voir même d’un phare, qui éclairait le passage des voyageurs aux abords des marais du Peugue.
Quand a été construit le Château du Hâ ?
Juillet 1453, la bataille de Castillon marque la fin de la Guerre de 100 ans. Afin de se protéger d’une nouvelle menace anglaise, Charles VII décide de revoir et d’améliorer son système de défense, en particulier dans la ville de Bordeaux. Deux grands bastions fortifiés sont prévus : le château du Hâ et le château Trompette. Le rôle de ces deux édifices est double. A la fois se protéger d’une nouvelle attaque anglaise, mais également assurer l’ordre au sein d’une ville que Charles VII estime un peu trop nostalgique de l’occupation anglaise.
► Pour aller plus loin : découvrez le château Trompette
La première pierre du Fort du Ha est posée le 24 janvier 1456 avec pour objectif premier d’héberger les garnisons en charge de la protection de la ville : hommes d’armes, arbalétriers, archers et armes de traits. Jean et Gaspard Bureau supervisent le chantier avec l’aide de Jean Poton de Xaintrailles et Théodore de Valpergues notamment.
Comment était constitué le Château du Hâ ?
En 1470, alors que le Duc de Guyenne, Charles de Valois, occupe les lieux, le château est considéré comme un lieu abritant une cours d’une grande beauté.
Pierre de Brach, poète Bordelais, le décrit ainsi au XVIème siècle :
Mais faut-il qu’un oubli soubs en silence presse du grand chasteau du Ha la belle forteresse ? Où se peut d’un costé mener le cours de l’eau du Peuge assés prochain jusqu’au pied du chasteau; et de l’autre costé rendant la place forte, un marest limonneus que ce ruisseau lui porte; fort en la profondeur de ses fossés cavés et fort en l’épesseur de ses murs eslevés et basti fortement, affin s’en tems de guerre sa force commandast du costé de la terre.
Evocation du Vieux Bordeaux – Louis Desgraves
Même s’il n’en reste pas moins une place forte redoutable ! Conçu pour assurer la défense, le bastion se compose de 5 tours, de fossée et d’épaisses muraille, étalées sur une zone de 120m par 68m. Preuve de cet impressionnant dispositif, la tour principale des Minimes possèdent des murs allant jusqu’à 4.40m d’épaisseur. Les fossés peuvent atteindre par endroit une largeur de plus de 20m.
Quelle est l’histoire du Fort du Hâ – Partie 1 : le palais ducal et le bastion
Jusqu’en 1472, le fort du Hâ sera la demeure ducale de Charles de Valois. Ce dernier en fait un lieu de fête et de tournoi, autour duquel il réunit sa cours. Mais à son décès, empoisonné, le château du Hâ retrouve sa fonction première de place forte et d’abri pour les garnisons.
Quelques épisodes viennent alors ponctuer la vie du bastion dans les années qui suivent.
- En 1458, les révolté de la « gabelle » prennent le fort d’assaut pour se débarrasser des percepteurs qui s’y étaient réfugiés. La place fort est reprise la même année par Anne de Montmorency.
- Plus tard en 1572, le fort du Hâ sert de refuge aux protestants durant la Saint Barthelemy.
- En 1650, il permet de tenir les siège des troupes royales sous la Fronde.
Au fil des années, et notamment sous Louis XIV, le fort va connaitre quelques modifications, comme le renforcement de ses défenses ou la construction de casernes.
Quelle est l’histoire du Fort du Hâ – Partie 2 : la prison
Le château du Hâ abrite finalement une prison civile en 1731. Rapidement, avec la Révolution et la Terreur, la prison établie devient prison d’état. De nombreux opposants au régime y sont embastillés avant d’être jugés et amenés à la guillotine. Par exemple, Pierre Bernadau, que je cite souvent dans mes billets sur ce blog pour son viographe, y séjournera entre 1793 et 1794.
En 1846, l’architecte Thiac finit de modifier les bâtiments pour parfaire la transformation du château du Hâ en véritable prison. Des travaux de démolition sont entrepris et seules les deux tours encore présentes aujourd’hui sont conservées (le tour des Minimes et la tour des Anglais). Au début du XXème siècle, en 1918, les exécutions par la guillotine ne sont plus réalisées en place publique. Elles se déroulent sous l’oeil de quelques témoins dans la cours du fort (sauf pour quelques affaires nationales comme l’affaire Pierre Delafet).
Les allemands utilisent pendant l’occupation le fort du Hâ comme prison politique avant qu’elle ne redevienne prison départementale à l’issu de la seconde guerre mondiale.
Quelle est l’histoire du Fort du Hâ – Partie 3 : l’école
Elle conservera cette fonction encore une vingtaine d’années, avant d’être détruite en 1969. Les détenus sont transférés au plus moderne centre de détention de Gradignan, toujours en activité.
En 1971, la Prison du Hâ devient Ecole Nationale de la magistrature et s’inscrit un an plus tard au patrimoine des monuments historiques. Transformation la plus récente, en 1998, les restes du Château du Hâ accueillent un bâtiment radicalement plus moderne. Designé par Richard Rogers, il constitue aujourd’hui le tribunal de Grande Instance de Bordeaux.
Peut-on visiter le Fort du Hâ ?
Etant dédié au tribunal de la magistrature et au tribunal de grande instance, le Fort du Hâ n’est pas accessible librement au public. Des visites sont ponctuellement organisées, pendant les journées du patrimoine par exemple.
Vous pouvez néanmoins longer les axes routiers autour de château. Ces derniers vous donneront une vue imprenable sur les remparts encore présents et sur les deux tours : la tour des Minimes (dite tour de la poudre) et la tour des Anglais (dites tour du Peugue ou tour des sorcières).
Histoires et secrets autour du Fort du Hâ
- La dernière exécution publique à Bordeaux
- Lafaye, l’homme qui tenta de s’échapper de la prison du Hâ
- La rue du Hâ, une rue « Immortelle » pendant la Terreur
Sources
- Google Maps et Street View
- Gasconha.com
- Source : Bibliothèque Nationale de France / BNF
- Chronique de Charles VII, roi de France. Tome 3 / par Jean Chartier ; nouvelle édition, revue sur les manuscrits… publiée avec notes, notices et éclaircissements par Vallet de Viriville,..
- Bibliothèque de Bordeaux
- Evocation du Vieux Bordeaux – Louis Desgrave
- Bordeaux Gazette – Dominique Mirassou
- Ecole de la magistrature