Rue des Trois-Canards : la rue disparue où Bordeaux sentait la viande fraîche
Ah, la rue des Trois-Canards… le nom à lui seul donne envie d’un bon confit ! Pourtant, au XIXᵉ siècle, ce n’était pas un restaurant mais bien une ruelle de la vieille ville, à deux pas de la rue du Mu, où l’on saignait à ciel ouvert. Aujourd’hui disparue du plan urbain, la rue des Trois-Canards a pourtant fait parler d’elle : entre abattoirs particuliers, plaintes de riverains, et chroniques d’hygiène publique, elle est devenue l’un de ces fantômes du vieux Bordeaux qu’on aime redécouvrir.
🕰️ Timeline historique
📜 XVIIᵉ siècle → Apparition du nom « rue des Trois-Canards » dans les registres de la paroisse Saint-Rémi.
🐄 Début XIXᵉ siècle → Le quartier abrite plusieurs tueries particulières, où les bouchers abattent porcs et bœufs à domicile.
🤢 1826 → La municipalité dénonce les conditions insalubres : la rue devient emblématique des “rues du sang”.
🏗️ Milieu du XIXᵉ siècle → Disparition progressive de la rue dans le cadre des réaménagements du centre ancien.
🗺️ XXᵉ siècle → Le tracé est englouti dans les transformations du secteur Parlement–Saint-Rémi.
📍 Localisation historique
La rue des Trois-Canards se situait dans le cœur du vieux Bordeaux, à proximité de la rue du Mu, entre la rue Saint-Rémi et la place du Parlement.

Elle faisait partie du petit maillage de ruelles médiévales qui descendaient vers les quais et la Garonne, formant un véritable labyrinthe de boutiques, échoppes, ateliers… et tueries (les abattoirs privés de Bordeaux). Les plans anciens de la ville (notamment celui de Belleyme, 1769) montrent une enfilade de venelles si étroites qu’un attelage ne pouvait y passer — d’où l’expression populaire :
“On ne pouvait pas y croiser un canard sans se mouiller les plumes.” 🦆
🏛️ Origine du nom de la rue des Trois Canards
Le nom pittoresque de la rue viendrait d’une enseigne d’auberge du XVIIᵉ siècle : Aux Trois Canards.
À l’époque, les enseignes faisaient office d’adresses, et l’on trouvait dans ce secteur de nombreux cabarets et tavernes fréquentés par les bouchers et tanneurs du port.
Mais certains historiens y voient aussi un jeu de mots : les “canards” pouvaient désigner les morceaux de viande de basse qualité vendus en fin de journée à prix réduit — d’où une allusion ironique à la réputation du quartier.
💀 Une rue du sang
Comme sa voisine la rue du Mu, la rue des Trois-Canards abritait plusieurs tueries particulières.
Les rapports municipaux de 1826 la citent expressément parmi les plus problématiques du centre :
« Les tueries des rues des Trois-Canards et du Mu sont les plus insalubres de la ville ; les eaux rouges y stagnent, et la fétidité empeste tout le quartier. » (Cahiers d’Archives, 1826)
Les riverains se plaignaient d’odeurs insupportables, de rats et d’infiltrations de sang dans les caves.
C’est ici que les médecins hygiénistes bordelais menèrent leurs premières campagnes pour interdire les abattoirs privés et construire les abattoirs de Paludate.
🪶 Anecdote bordelaise sur la rue des Trois Canards
Une chronique rapportée par Pierre Bernadau dans son Viographe bordelais raconte qu’un soir d’hiver, un troupeau de porcs s’échappa d’une tuerie de la rue des Trois-Canards et dévala jusqu’à la place du Parlement, provoquant une véritable panique.
Les journaux bordelais du temps en firent leurs choux gras :
“Les canards s’envolent, les porcs s’échappent, et la ville s’enfume de son propre fumet.”
La mésaventure fit sourire, mais renforça les plaintes contre ces établissements malodorants.
🧭 Quand les vieilles rues de Bordeaux s’effacent
La rue des Trois-Canards n’est pas la seule à avoir disparu des cartes. Au XIXᵉ siècle, Bordeaux a connu une vaste transformation urbaine : on a élargi les voies, assaini les quartiers, et supprimé les ruelles jugées trop étroites ou insalubres. Le vieux lacis médiéval, avec ses impasses, ses venelles et ses maisons à encorbellement, laissait peu à peu place à une ville plus aérée, mieux éclairée, plus “moderne”. Ces disparitions, souvent motivées par l’hygiène et la circulation, ont aussi effacé une part du Bordeaux populaire — celui des artisans, des bouchers, des cabarets et des odeurs fortes. Certaines de ces rues ne subsistent aujourd’hui que dans les archives ou dans la mémoire des habitants les plus attachés au passé du port de la Lune 🌙.
💬 FAQ pour briller en société 🤓
Où se trouvait la rue des Trois-Canards ?
Dans le quartier Saint-Rémi, à proximité de la rue du Mu et de la place du Parlement.
Pourquoi ce nom ?
D’après une enseigne de taverne du XVIIᵉ siècle appelée Aux Trois Canards.
Que s’y passait-il ?
Des abattoirs privés, appelés “tueries particulières”, y fonctionnaient jusqu’à leur interdiction en 1826.
Existe-t-elle encore aujourd’hui ?
Non, elle a disparu au XIXᵉ siècle lors du réaménagement du centre ancien.
📚 Sources et liens
- Tueries rue des Trois-Canards, rue du Mu et autres lieux, Cahiers d’Archives, n°107 (1826)
- Le Viographe bordelais, Pierre Bernadau, 1825 – Gallica
- Histoire complète de Bordeaux, abbé O’Reilly, tomes III & IV – Gallica
- Plan de Bordeaux de Belleyme (1769) – BnF
- Archives municipales de Bordeaux, section Urbanisme et Hygiène