Le spiritisme à Bordeaux : Esprit, es-tu là ?

Mythes et légendes
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🕰️ Timeline express

  • 1804 : naissance à Lyon d’Hippolyte Rivail, futur Allan Kardec.
  • 1857 : Le Livre des Esprits fonde le spiritisme.
  • 1860 : premières discussions spirites dans les salons bordelais.
  • 1861 : édition bordelaise du Livre des Esprits.
  • 1868 : mort de Kardec à Paris.
  • 1901 : fondation du Cercle Spirite Allan Kardec de Bordeaux.
  • Années 1920–1930 : grandes séances publiques, notamment à Bègles.
  • Aujourd’hui : quelques cercles et associations maintiennent la flamme… ou plutôt la bougie.

Bordeaux, capitale du vin… et des esprits

Quand on pense à Bordeaux, on imagine d’abord les châteaux du Médoc, la Grosse Cloche ou encore les quais de Garonne. Mais la ville cache aussi un passé… plus immatériel. Car au XIXᵉ siècle, Bordeaux n’a pas seulement exporté du vin : elle a aussi importé une drôle de nouveauté venue de Paris et popularisée par un certain Allan Kardec — le spiritisme.

L’idée est simple (sur le papier) : les morts continueraient à nous parler, si tant est qu’on sache les écouter. Tables tournantes, coups frappés, transes médiumniques… tout un folklore qui a fasciné les Bordelais, au point de faire de la ville un haut lieu du spiritisme français.

Quand Kardec arrive par la Garonne

Hippolyte Léon Denizard Rivail — dit Allan Kardec (1804–1869) — n’a probablement jamais résidé à Bordeaux. Mais ses livres, eux, ont rapidement trouvé un écho dans la capitale girondine. Notamment pour sa visite des momies de Bordeaux dans le caveau Saint-Michel.

Dès 1861, Le Livre des Esprits circule dans les librairies bordelaises. La bourgeoisie locale, friande de nouveautés intellectuelles, se passionne pour ces idées qui mêlent science, morale et au-delà. Les salons bordelais, entre un verre de clairet et un morceau de musique, deviennent des laboratoires de communication avec « l’autre monde ».

spiritisme bordeaux - livre des esprits
Titre : Le livre des esprits : contenant les principes de la doctrine spirite… selon l’enseignement donné par les Esprits supérieurs à l’aide de divers médiums (10e éd.) / recueillis et mis en ordre par Allan Kardec Auteur : Allan Kardec (1804-1869). Auteur du texte Éditeur : Didier et Cie (Paris) Date d’édition : 1863 Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb300109618

Un chroniqueur du temps rapporte même qu’on s’y livrait à des séances de « tables parlantes » où le mobilier des hôtels particuliers du cours de l’Intendance prenait des airs de professeurs de philosophie.

Nouvelle Société Spirite de Bordeaux (juin 1867)
« Depuis que nous sommes constitués, nous avons deux séances par semaine. Cette double besogne nous a été imposée par la nécessité de consacrer une séance particulière (celle du jeudi) aux Esprits obsesseurs et au traitement des maladies qu’ils occasionnent, et de réserver une autre séance (celle du samedi) aux études scientifiques. …
Il y a du reste, à Bordeaux, beaucoup de cas d’obsessions, et une séance par semaine spécialement consacrée à l’évocation et à la moralisation des obsesseurs est loin d’être suffisante, puisque le médium guérisseur, accompagné d’un médium écrivain, d’un évocateur et souvent de certains de nos frères, se rend au domicile des malades afin de tenir les obsesseurs en haleine et d’en venir plus facilement à bout. »

A la même époque loge Rue des 3 Conils la Ruche Spirite de Bordeaux, qui diffuse sous abonnement ses publications toutes les quinzaines. Avec même Kardec himself en guest dans son édition de Juin 1863.

Ruche Spirite Bordeaux
Titre : La Ruche spirite bordelaise : revue de l’enseignement des esprits / Société spirite de Bordeaux Auteur : Société spirite de Bordeaux. Auteur du texte Éditeur : [s.n.] (Bordeaux) Date d’édition : 1863-06-01 Contributeur : Sabo, Emile. Directeur de publication Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32863324t

Un terreau favorable : Bordeaux, ville d’idées

Il faut dire que Bordeaux avait déjà une longue tradition de débats intellectuels et de curiosités scientifiques. De Montaigne à Montesquieu, en passant par les sociétés savantes du XVIIIᵉ siècle, on aimait discuter de tout, y compris de l’invisible.

Au XIXᵉ, dans une ville marquée par le commerce maritime, les voyages lointains et l’arrivée d’idées nouvelles, le spiritisme s’est naturellement trouvé un public. Les marins rapportaient des récits étranges des quatre coins du monde, les bourgeois s’interrogeaient sur le progrès et la religion, et les curieux n’avaient rien contre une bonne séance de fantômes entre amis.

Banquet offert par les Spirites de Bordeaux / Discours de Kardec (novembre 1861)
« You can see that Bordeaux is a city loved by the spirits as you encounter the most sublime devotions of charity of all kinds multiplying within its walls. Hence they were afflicted for seeing this city falling behind in the progressive movement that Spiritism has just imposed onto humanity. »

La naissance des cercles spirites

Après la mort d’Allan Kardec en 1869, ses disciples s’organisent. À Bordeaux, cela donne naissance à plusieurs groupes informels, puis à des sociétés plus structurées.

En 1901, est créé le Cercle Spirite Allan Kardec de Bordeaux. Son objectif : étudier, diffuser et pratiquer le spiritisme « sérieux », c’est-à-dire débarrassé des charlatans et des illusions de foire. Leurs réunions mêlaient conférences, lectures des textes fondateurs et séances médiumniques.

Un compte rendu de l’époque décrit avec solennité ces rencontres, où l’on faisait la lecture du Livre des Esprits avant de tenter de dialoguer avec… l’esprit de Montaigne. Après tout, qui mieux que lui pour philosopher avec les vivants ?

Les grandes heures : Bègles et les années 1920–1930

Si Bordeaux était le cerveau, Bègles fut un peu le cœur battant du spiritisme local. Dans les années 1920–1930, on y organise des séances publiques attirant des centaines de curieux.

Les journaux rapportent avec un mélange de fascination et d’ironie ces soirées où les tables bougeaient toutes seules et où des médiums prétendaient recevoir des messages de l’au-delà. Certains sceptiques y voyaient surtout l’occasion pour les Bordelais de se distraire autrement qu’aux foires ou aux cafés.

Mais il ne faut pas réduire cela au spectacle : beaucoup de participants étaient sincèrement convaincus que ces séances apportaient des réponses aux grandes questions existentielles.

Des figures locales

Plusieurs personnalités bordelaises se sont illustrées dans la diffusion du spiritisme. On peut citer des professeurs, des médecins ou des notables qui, tout en menant une vie « respectable », fréquentaient discrètement les cercles spirites.

Un exemple savoureux est celui d’un pharmacien du quartier Saint-Michel, qui tenait ses flacons d’une main et sa planchette de médium de l’autre. Ses clients disaient en riant que chez lui, on pouvait « consulter pour les vivants comme pour les morts ».

Entre fascination et méfiance

Évidemment, le spiritisme n’a pas toujours eu bonne presse. L’Église catholique bordelaise y voyait une menace spirituelle, tandis que certains rationalistes dénonçaient les supercheries.

En 1924, un article de presse locale titrait : « Esprits ou escrocs ? ». Mais malgré ces critiques, les cercles spirites bordelais ont perduré, oscillant entre ferveur mystique et curiosité populaire.

Héritages

Aujourd’hui, le spiritisme à Bordeaux ne fait plus la une des journaux. Mais des associations continuent d’exister, perpétuant la mémoire d’Allan Kardec et la tradition d’étude philosophique. Les séances tapageuses ont cédé la place à des lectures plus calmes, parfois dans des salles de quartier ou en ligne.

Il n’en reste pas moins que Bordeaux fut, aux côtés de Lyon, Marseille et Paris, l’un des grands foyers du spiritisme en France. Une histoire peu connue, qui ajoute une touche mystérieuse à la ville du vin et des lumières.

Pour conclure : Bordeaux, ville aux deux mondes

L’histoire du spiritisme bordelais, c’est un peu l’histoire d’une ville qui n’a jamais eu peur des idées nouvelles. Entre les quais animés, les caves pleines de barriques et les salons éclairés à la bougie, Bordeaux a su accueillir aussi bien les grands négociants que… les esprits frappeurs.

Alors, si vous passez près de la Grosse Cloche ou de la place Saint-Michel un soir de brume, tendez l’oreille. Qui sait ? Ce ne sont peut-être pas seulement les cloches ou le vent qu’on entend…

Sources

https://www.sudouest.fr/gironde/begles/esprit-es-tu-la-8703310.php https://www.lamachinealire.com/bonus/extrait/9782817707099 http://spiritismebordelais.free.fr/Modeles/HISTOBX.htm
https://gallica.bnf.fr/services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&query=%28gallica%20all%20%22allan%20kardek%22%29&lang=fr&suggest=0

🤔 FAQ – Le spiritisme à Bordeaux (pour briller en société)

1. Allan Kardec est-il venu à Bordeaux ?
Non, rien ne prouve qu’il ait jamais arpenté la rue Sainte-Catherine. Mais ses livres, eux, sont arrivés très vite, et ses disciples ont fait de Bordeaux un des foyers spirites les plus actifs de France.

2. On faisait quoi dans les cercles spirites bordelais ?
On lisait Kardec, on discutait philosophie, on tentait d’entrer en contact avec les esprits… et parfois, on soignait même des “obsessions” attribuées à des entités invisibles. Bref, c’était à mi-chemin entre club de lecture, cabinet médical et table tournante.

3. L’Église bordelaise était-elle d’accord ?
Pas vraiment. Les prêtres y voyaient une concurrence directe, voire une tentation démoniaque. Mais cela n’a pas empêché les séances de se multiplier dans les salons bourgeois et les quartiers populaires.

4. Pourquoi Bègles est-elle souvent citée ?
Parce que dans les années 1920–1930, on y organisait des séances publiques spectaculaires, attirant des foules curieuses. Bègles était alors un peu la “salle des fêtes” du spiritisme girondin.

5. Est-ce qu’il reste des spirites à Bordeaux aujourd’hui ?
Oui, même si la mode des tables tournantes est passée. Quelques associations continuent d’étudier et de diffuser l’œuvre de Kardec, souvent dans une approche plus philosophique que spectaculaire.

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