L’enceinte romaine de Bordeaux : Burdigala se replie derrière ses murs
Quand on flâne aujourd’hui dans les rues de Bordeaux, difficile d’imaginer que la ville a failli disparaître il y a dix-sept siècles. Pour survivre aux crises et aux invasions, Burdigala – la Bordeaux antique – s’est retranchée derrière une enceinte de pierre, resserrée et protectrice. Et au milieu de ces blocs, une inscription mystérieuse venue d’on ne sait trop où continue de faire parler les historiens…
⭐ Les 5 points à retenir
🏛️ Bordeaux possédait dès le IIIᵉ siècle une enceinte romaine protectrice.
🧱 Cette muraille réduisait la ville à un quadrilatère d’environ 2 km de périmètre.
🚪 Trois grandes portes assuraient le passage : nord, sud, et une vers le port.
🐆 Une inscription latine intrigante (CIL VIII, 12521) évoque Gordien Ier.
🌍 L’origine de cette inscription fait encore débat : Bordeaux ou Afrique ?
Burdigala, une ville qui rapetisse pour survivre
Au IIIᵉ siècle, l’Empire romain traverse une mauvaise passe : empereurs éphémères, invasions barbares, économie en berne. Bordeaux, jusque-là ville prospère, doit se protéger. La solution ? Construire une nouvelle muraille, mais plus petite que la précédente.
Résultat : la ville passe d’une vaste agglomération ouverte à un cœur compact d’à peine deux kilomètres de périmètre. Imaginez une citadelle coincée entre la Garonne et les terres, bien plus réduite que la Bordeaux que nous connaissons aujourd’hui.
Ce choix peut sembler paradoxal : pourquoi rétrécir ? Mais c’était la seule façon de rendre la défense efficace. Mieux vaut garder une petite boîte bien fermée qu’un immense coffre grand ouvert.
Des pierres antiques au service du rempart
Construire une enceinte, c’est bien. Trouver les matériaux, c’est mieux. Les Bordelais du Bas-Empire eurent une idée de génie : recycler ! 🧱
On a ainsi réemployé des pierres venues de monuments plus anciens – colonnes, tombeaux, fragments d’édifices publics. En marchant aujourd’hui sur certains vestiges, on peut encore apercevoir des inscriptions latines ou des décorations sculptées intégrées aux murs.
Bref, le réemploi n’est pas une invention moderne : nos ancêtres pratiquaient déjà le “zéro déchet” architectural.
Trois grandes portes pour respirer
L’enceinte n’était pas une prison mais une protection. Elle comportait plusieurs ouvertures stratégiques.
- Au nord et au sud, deux portes contrôlaient les axes principaux, à peu près dans l’alignement de l’actuelle rue Sainte-Catherine.
- À l’est, une “porte du port” permettait de garder le lien vital avec la Garonne et la Devèze, cette petite rivière qui traversait la ville.
Ces portes n’étaient pas seulement utilitaires : elles affirmaient aussi la puissance de la cité, un peu comme les portes triomphales romaines.
Tours et défenses : un chantier inachevé
Les archéologues peinent encore à identifier toutes les structures de l’enceinte. Quelques vestiges laissent deviner la présence de tours circulaires engagées dans le rempart, mais la documentation reste mince.
Ce que l’on sait, en revanche, c’est que ce mur impressionnait par son épaisseur et sa solidité. Pour un envahisseur du IIIᵉ siècle, mieux valait réfléchir à deux fois avant de s’attaquer à Burdigala.
L’énigme de l’inscription CIL VIII, 12521
En 1828, lors de travaux, une pierre gravée réapparaît. Elle porte une inscription latine (connue des spécialistes sous le doux nom de CIL VIII, 12521) qui mentionnerait l’empereur Gordien Ier, éphémère souverain de l’an 238.

L’inscription mystérieuse :
Texte latin (restitué) :
Imp(eratori) Caes(ari) M(arco) Ant(onius) Gordiano Augusto, p(atri) p(atriae), proconsuli, [Burdigala]Traduction possible :
À l’empereur César Marcus Antonius Gordien Auguste, père de la patrie, proconsul, [de la part de Burdigala ?]
👉 Mais prudence : le texte exact et sa traduction font débat.
- Certains y voient une dédicace officielle de Bordeaux à Gordien Ier.
- D’autres pensent que le bloc est africain et que “Burdigala” a été mal lu ou restitué.
- Bref, une inscription “à tiroirs” où chaque historien trouve encore matière à discussion.
Pourquoi cette inscription compte-t-elle ?

Parce qu’elle illustre parfaitement la fragilité des sources historiques. Une simple pierre peut changer notre vision d’une époque :
- Si elle vient de Bordeaux, elle confirme l’importance de la cité et son lien direct avec l’empereur Gordien.
- Si elle vient d’Afrique, elle raconte une autre histoire, celle de blocs exilés, importés ou réutilisés.
Dans les deux cas, elle symbolise une époque où Bordeaux, loin du prestige de son amphithéâtre (le Palais Gallien), se repliait pour survivre.
🤓 FAQ pour briller en société
- ❓ Burdigala, ça veut dire quoi ?
👉 Probablement “bourg gaulois” (Burdigala = bourg + gala). - ❓ Pourquoi avoir réduit la taille de la ville ?
👉 Parce qu’il valait mieux défendre petit et solide que grand et vulnérable. - ❓ C’est quoi cette histoire de léopard ?
👉 C’est le fameux “léopard de Guyenne”, hérité de la période anglaise, qu’on retrouvera plus tard dans les armoiries de Bordeaux. 🐆 - ❓ Où voir encore des traces de l’enceinte romaine ?
👉 Rue du Mirail, vers le Palais Gallien, et dans certains souterrains (mais pas toujours accessibles !). - ❓ Pourquoi cette inscription intrigue encore ?
👉 Parce qu’elle est un peu “bilingue historique” : certains la rattachent à Bordeaux, d’autres à l’Afrique. Bref, une énigme digne d’un polar archéologique. 🔍
🔗 Sources et liens utiles
Louis Maurin, CIL VIII, 12521 et l’enceinte romaine de Bordeaux (1987) – https://www.persee.fr/doc/aquit_0758-9670_1987_num_5_1_1045
Archives Bordeaux Métropole – https://archives.bordeaux-metropole.fr
BnF Gallica – cartes et plans anciens de Bordeaux – https://gallica.bnf.fr
Terre & Océan – Burdigala, cité antique (PDF pédagogique) – https://www.terreetocean.fr/wordpress/wp-content/uploads/2020/05/burdigala.pdf