La rue du Mû, une ruelle disparue de Bordeaux
Imaginez-vous flânant dans le quartier Saint-Michel il y a deux siècles. Autour de la basilique s’entrelacent de petites rues étroites, bruyantes et pleines de vie. Parmi elles se glissait la rue du Mû, une venelle sombre, aujourd’hui disparue, mais dont le nom et la réputation sont restés dans la mémoire des Bordelais.
Une ruelle du quotidien populaire
La rue du Mû, tout comme ses voisines la rue des Trois-Canards ou la rue de la Huppe, faisait partie de ce vieux Bordeaux aux allures médiévales. On y trouvait des artisans, des cabarets enfumés, des enfants jouant au milieu des pavés irréguliers… et parfois quelques personnages louches qui donnaient au quartier une réputation « haute en couleur ».
Les maisons s’y penchaient presque l’une sur l’autre, laissant peu de place à la lumière. C’était un monde à part, à deux pas des grandes places, mais déjà en marge.
Le mystère du nom de la rue du Mû
Pourquoi « Mû » ? La question reste ouverte. Peut-être une déformation de « mur », souvenir de l’ancienne enceinte médiévale. Peut-être un mot gascon aujourd’hui tombé en désuétude. Ou bien, qui sait, une vieille enseigne d’auberge qui aurait marqué les esprits. Bordeaux regorge de ces noms pittoresques nés du hasard et de la vie quotidienne.
Faits divers et mauvaise réputation
Les archives de 1826 nous rappellent que la rue du Mû n’était pas qu’un décor pittoresque. C’était aussi le théâtre de bagarres nocturnes et de « tueries », comme les journaux les appelaient alors. Ici, un règlement de comptes entre ivrognes ; là, un coup de couteau malheureux. Ces histoires noires collaient à la peau du quartier et donnaient à la rue du Mû une sombre réputation.
La fin d’une rue
Au XIXᵉ siècle, les grands travaux d’urbanisme changent le visage de Bordeaux. On veut de l’air, de la lumière, de l’hygiène. Les ruelles étroites et malsaines disparaissent peu à peu autour de Saint-Michel. La rue du Mû est rasée, remplacée par de larges percées. Seul un rare cliché, conservé aux Archives Bordeaux Métropole, témoigne encore de son allure : une ruelle sombre, encaissée, presque théâtrale, comme sortie d’un roman de Victor Hugo.
Le fantôme de la rue du Mû
Aujourd’hui, impossible de retrouver la rue du Mû en se promenant. Mais son nom survit dans les livres, les archives et la mémoire des anciens. C’est une de ces petites rues disparues qui nous rappellent que Bordeaux n’a pas toujours été cette ville élégante et lumineuse que nous connaissons : elle fut aussi un dédale de ruelles populaires, pleines de vie, de bruits… et de drames.
Alors, la prochaine fois que vous lèverez les yeux vers la flèche de Saint-Michel, imaginez qu’au pied de la basilique bruissait autrefois cette rue minuscule, avec ses histoires oubliées, ses rumeurs et ses secrets.
👉 Sources :
- Pierre Bernadau, Le Viographe bordelais (1841-1844)
- Cahiers d’archives : « Tueries rue des Trois-Canards, rue du Mu… » (1826) – https://www.cahiersdarchives.fr/index.php/publications/vie-rurale?view=article&id=107:tueries-rue-des-trois-canards-rue-du-mu-et-autres-lieux-bordeaux-1826&catid=28:urbanisme
- Archives Bordeaux Métropole, cliché de la rue du Mû – https://www.facebook.com/ArchivesBxM/posts/clich%C3%A9-rare-de-la-rue-du-m%C3%BB-%C3%A0-bordeaux-disparue-lors-des-travaux-de-d%C3%A9gagement-d/1199627228858736/
