Le fantôme du Palais de l’Ombrière : quand la justice hante encore Bordeaux

Mythes et légendes
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On dit qu’à Bordeaux, certaines pierres ont bonne mémoire. Celles de la place du Palais, elles, se souviennent du sang et des sentences. Là où trônait jadis le grand Palais de l’Ombrière — siège du pouvoir, des jugements et des supplices —, les Bordelais auraient longtemps entendu des bruits étranges, des gémissements et des chaînes raclant sous terre.

Rumeur populaire ? Peut-être. Mais lorsqu’on sait ce que ces murs ont vu, l’imagination n’a guère besoin d’aide pour réveiller les fantômes du passé.

🏰 Sous la place du Palais, le ventre noir du pouvoir

Le Palais de l’Ombrière, aujourd’hui disparu, n’était pas qu’un lieu de prestige. Derrière les façades gothiques où siégeait le Parlement, s’étendait un réseau de caves et de souterrains voûtés. On y enfermait les prisonniers en attente de jugement, les condamnés à mort ou ceux que la justice voulait simplement faire oublier.

Les archives du Parlement parlent d’un “cachot du Roi”, humide, sans lumière, où les détenus survivaient dans des conditions terribles. D’après plusieurs descriptions du XIXᵉ siècle, les caves du palais communiquaient avec les quais de la Garonne : une ouverture permettant, dit-on, de faire disparaître les corps sans attirer l’attention.

Plan du Palais de l'Ombrière - 1700
Plan du Palais de l’Ombrière – 1700 Tiré de “Comptes-rendus de la Commission des Monuments historiques de la Gironde” d’après le catalogue : https://selene.bordeaux.fr/ark:/27705/330636101_DEL_CARTON_23_61_2/v0001.simple.selectedTab=record

L’historien Pierre Bernadau évoque ces geôles dans Le Viographe bordelais :

« Sous le vieux Palais de l’Ombrière existaient d’affreux réduits, où l’on ne distinguait ni jour ni nuit, et d’où ne remontaient que des cris de désespoir. » — Bernadau, 1843

⚖️ Des murs marqués par la mort

Des centaines de condamnations furent prononcées dans ces salles : voleurs, hérétiques, empoisonneurs, sorcières et nobles rebelles. Beaucoup finissaient pendus ou décapités sur la place du Palais, ou, plus tard, place du Pilouret (actuelle place Fernand-Lafargue). Mais certains mouraient avant même d’être jugés. Enterrés dans la hâte, les corps auraient été dissimulés dans les caves mêmes du palais, ou rejetés dans le fleuve par les souterrains donnant sur la Garonne.

Lorsque les ruines du palais furent rasées au début du XIXᵉ siècle, plusieurs ouvriers signalèrent la découverte d’ossements humains, de chaînes rouillées et de fragments de pierre taillée. L’abbé O’Reilly, dans son Histoire complète de Bordeaux, mentionne lui aussi « des restes d’hommes suppliciés mis à jour lors des travaux de terrassement du quai voisin » (1857).

🔦 Légendes d’ouvriers et peur du sous-sol

Les récits les plus inquiétants datent de la fin du XIXᵉ siècle. Lors des fouilles menées place du Palais, certains ouvriers refusèrent de continuer après avoir entendu, la nuit, des bruits de pas et des gémissements sous terre.
La rumeur d’un “fantôme de l’Ombrière” commença à circuler : un prisonnier injustement condamné qui hanterait encore le sous-sol du palais, cherchant à faire entendre sa cause. On disait aussi que, certains soirs d’orage, on voyait apparaître une silhouette en robe noire, debout près de la Porte Cailhau, là où s’ouvrait autrefois le portail du palais.

Même Maurice Ferrus, plus rationnel, glisse dans son Touriste à Bordeaux (1927) :

« Les Bordelais n’ont pas oublié les souterrains de l’Ombrière. On y plaçait jadis les damnés de la justice ; on dit qu’ils n’ont jamais quitté le lieu. »

🕯️ Mémoire des lieux

Aujourd’hui encore, sous les pavés de la place du Palais, les archéologues ont retrouvé des vestiges de caves médiévales, des murs en petit appareil et des fragments de colonnes. Rien ne prouve qu’ils soient hantés, mais leur silence en dit long sur ce que Bordeaux préfère oublier : la part sombre de sa justice.

Alors, si vous passez un soir d’hiver sous les arches de la Porte Cailhau, écoutez bien : entre le bruit de la Garonne et le vent dans les pavés, il paraît qu’on peut encore entendre les chaînes du Palais de l’Ombrière.

Palais de l'Ombrière 1800
Palais de l’Ombrière 1800 Tiré “L’Histoire des Monuments de Bordeaux” d’Auguste Bordes, d’après le catalogue : https://selene.bordeaux.fr/ark:/27705/330636101_DEL_CARTON_23_57

🤓 FAQ pour briller en société

👉 Le fantôme de l’Ombrière a-t-il une identité ?
Selon la rumeur, il s’agirait d’un prisonnier injustement condamné par le Parlement, mort dans les geôles du palais.

👉 Où se trouvaient ces caves ?
Sous l’actuelle place du Palais, entre la Porte Cailhau et la rue de la Douane. Des fouilles en ont révélé des vestiges.

👉 Des témoins ont-ils réellement entendu des bruits ?
Plusieurs récits d’ouvriers du XIXᵉ siècle font état de sons inexpliqués, repris dans les journaux locaux.

👉 Que reste-t-il du palais ?
Quelques murs enterrés et un nom : la “place du Palais”, dernier écho de l’Ombrière.

📚 Sources à mentionner dans WordPress

  • Pierre Bernadau, Le Viographe bordelais ou Revue historique et pittoresque des monuments de Bordeaux, 1843 – Gallica / BnF
  • Abbé Patrice-John O’Reilly, Histoire complète de Bordeaux, 1857 – Gallica / BnF
  • Auguste Bordes, Histoire des monuments anciens et modernes de la ville de Bordeaux, 1845 – Google Books
  • Maurice Ferrus, Le Touriste à Bordeaux, 1927 – Gallica / BnF
  • Musée d’Aquitaine, Archives archéologiques de la place du Palais, 1990-2005 – musee-aquitaine-bordeaux.fr

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