Histoire du blason de Bordeaux : un résumé de 8 siècles d’histoire

Histoires et secrets
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Impossible de le rater : le blason de Bordeaux trône sur la Grosse Cloche, s’affiche fièrement à l’Hôtel de Ville et se cache même dans les recoins des façades. Un peu comme un filigrane géant, il marque la ville de son empreinte. Et pour cause : à lui seul, il raconte huit siècles de politique, de batailles et de commerce.

Bref, l’histoire du blason de Bordeaux n’est pas une simple affaire de dessins sur un écu : c’est le roman graphique de la ville.

Le blason actuel : Bordeaux résumé en cinq symboles

🛎️ La Grosse Cloche : le gros bourdon municipal, symbole des libertés de la ville. Il sonnait pour annoncer vendanges, incendies ou l’arrivée d’ennemis.

🏰 Les tours fortifiées : clin d’œil à la porte Saint-Éloi et à l’ancienne enceinte de la cité.

🌙 Le croissant de lune : rien à voir avec une viennoiserie. Il symbolise le Port de la Lune, dont la forme de croissant est visible depuis l’Antiquité.

🌸 Les fleurs de lys : arrivées après 1453, elles rappellent l’appartenance définitive à la couronne de France.

🐆 Le léopard de Guyenne : héritage anglais, adopté malgré tout, comme un locataire envahissant qu’on a fini par intégrer à la famille.

blason de bordeaux
Blason de Bordeaux actuel

🕰 Timeline – Histoire du blason de Bordeaux

  • 1246 → Premier sceau communal connu.
  • 1297 → Blason avec fleurs de lys et enceinte fortifiée.
  • 1303 → Domination anglaise : trois léopards remplacent les lys.
  • 1342 → Apparition du léopard de Guyenne sur un sceau municipal.
  • Fin XIVe siècle → La Grosse Cloche entre dans les armoiries.
  • 1453 → Victoire française à Castillon : deux léopards disparaissent, les fleurs de lys reviennent.
  • 1519 → Première représentation imprimée du blason moderne (Tracté contre la peste).
  • XVIe – XVIIe siècles → Diffusion dans les Coustumes de Bordeaux avec ornements.
  • 1793 → Révolution : suppression des fleurs de lys, blason abandonné.
  • XIXe siècle → Retour du blason, adapté aux régimes politiques.
  • Aujourd’hui → Blason toujours en usage officiel et symbole identitaire de la ville.

Fleurs de lys et sceaux médiévaux

L’histoire du blason de Bordeaux commence très tôt. Dès 1246, les jurats (les magistrats municipaux) disposent d’un sceau communal, l’un des plus anciens de France.

En 1297, on retrouve sur l’empreinte :

  • un semis de fleurs de lys,
  • une couronne royale,
  • une enceinte fortifiée avec deux musiciens sonnant de la trompette depuis les créneaux.

👉 Anecdote : ces trompettistes ne sont pas là par hasard. Ils rappellent une coutume bordelaise : chaque soir, la garde devait sonner la trompette du haut des tours pour annoncer la fermeture des portes. Oui, le couvre-feu existait déjà !

À cette époque, Bordeaux est sous l’influence de Philippe le Bel. Afficher les lys, c’est montrer son allégeance au roi de France.

Bordeaux passe aux Anglais, et le blason change de camp

En 1303, Bordeaux bascule à nouveau sous domination anglaise. Et là, l’héraldique suit le mouvement. Exit les lys, place aux trois léopards d’or sur fond rouge.

On les retrouve sur :

  • un sceau de 1312,
  • un sceau municipal de 1342, où un léopard remplace la fleur de lys,
  • des poids de bronze datés de 1316, où le léopard devient incontournable.

👉 Anecdote : contrairement à ce qu’on a longtemps cru, le « léopard de Guyenne » n’était pas un symbole local transmis par Aliénor d’Aquitaine. Non. C’est un pur produit anglais, probablement imposé. Mais à force de figurer sur tout, il est devenu « gascon par adoption ».

Pendant près de trois siècles, Bordeaux vit donc avec les armoiries anglaises, preuve que l’héraldique est aussi un miroir politique.

Blason de Bordeaux 1326
Blason de Bordeaux 1326 Source : https://www.persee.fr/doc/rhbg_0242-6838_1913_num_6_6_2908?q=armoiries%20de%20bordeaux

La Grosse Cloche sonne son entrée

À la fin du XIVe siècle, un nouvel acteur fait son apparition : la Grosse Cloche. Sur une pierre sculptée retrouvée rue des Augustins, on distingue clairement :

  • deux tours imposantes,
  • la grande cloche suspendue,
  • la Garonne en contrebas avec son croissant de lune.

👉 Anecdote : cette pierre pesait 80 kilos et servait de décoration sur une maison. Elle a failli tomber dans la rue avant d’être récupérée par la Ville en 1912. Depuis, elle est conservée au musée.

La Grosse Cloche devient ainsi l’emblème du pouvoir communal, une sorte de logo sonore et visuel des jurats.

1453, la France reprend la main

La bataille de Castillon, en 1453, marque la fin de la guerre de Cent Ans. Bordeaux redevient française, et le blason s’adapte immédiatement.

  • Deux des trois léopards sont priés de plier bagage.
  • À leur place, on installe un chef fleurdelisé : l’azur et ses fleurs de lys dorées.
  • Mais le léopard de Guyenne reste, symbole d’un passé qui a marqué l’identité locale.
Blason de Bordeaux 1519
Blason de Bordeaux 1519 Source : https://www.persee.fr/doc/rhbg_0242-6838_1913_num_6_6_2908?q=armoiries%20de%20bordeaux

En 1519, un livre imprimé à Bordeaux, le Tracté contre la peste, montre cette nouvelle version : la Grosse Cloche, le croissant, les lys et le léopard, déjà dans la configuration actuelle.

👉 Anecdote : même dans un traité médical, les Bordelais tenaient à rappeler leur blason. Question de fierté (ou de marketing avant l’heure).

Renaissance et ornements exubérants

Aux XVIe et XVIIe siècles, le blason s’affiche dans les Coustumes de Bordeaux. Les imprimeurs et graveurs en rajoutent :

  • des couronnes murales, symboles des cités,
  • des créatures étranges servant de supports (quadrupèdes cornus, bêtes fantastiques).

C’est l’époque où l’héraldique sert autant à impressionner qu’à représenter.

Blason de Bordeaux : 1620
Blason de Bordeaux : 1620 Source : https://www.persee.fr/doc/rhbg_0242-6838_1913_num_6_6_2908?q=armoiries%20de%20bordeaux

La Révolution, fin de partie pour les lys

La Révolution française (1793) ne pouvait tolérer les fleurs de lys. Bordeaux, comme toutes les villes, doit abandonner ses armoiries jugées monarchiques.

À la place, on brandit :

  • l’arbre de la liberté,
  • le coq gaulois,
  • des devises patriotiques.

👉 Anecdote : certains documents municipaux de l’époque remplacent même l’écu par une simple mention « République française ». Sobre, mais un peu triste…

Le blason ne revient qu’au XIXe siècle, réadapté aux régimes politiques, mais fidèle à son iconographie traditionnelle.

Le blason de Bordeaux aujourd’hui

Aujourd’hui, le blason n’est pas un vestige poussiéreux :

  • il s’affiche sur la Grosse Cloche,
  • orne les façades de l’Hôtel de Ville (Palais Rohan),
  • apparaît dans les logos modernes (Port de la Lune inscrit à l’UNESCO).

Il est même parfois revisité par des graphistes contemporains ou des street-artistes. Preuve que l’histoire du blason de Bordeaux continue de s’écrire.

FAQ : questions qu’on n’ose pas poser (mais qu’on se pose tous)

Pourquoi y a-t-il un léopard sur le blason ?
Parce que Bordeaux fut anglaise pendant près de trois siècles.

Le croissant, c’est pour les boulangers ?
Non, c’est pour la Garonne et le Port de la Lune. Mais les Bordelais aiment aussi les croissants.

Depuis quand la Grosse Cloche est-elle représentée ?
Depuis la fin du XIVe siècle.

Quand les fleurs de lys apparaissent-elles ?
Après 1453, lorsque Bordeaux redevient française.

La devise du blason ?
« Lilia sola regunt lunam, undas, castra, leonem » : « Les lys seuls règnent sur la lune, les flots, la forteresse et le lion. »

Et la Révolution ?
Elle a supprimé le blason, mais celui-ci est revenu au XIXe siècle.

Sources et liens utiles

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