Le duel maudit du sieur de Montferrand : quand l’honneur finit sur l’échafaud

Faits Divers
Partager :

Il y a des histoires qui sentent le fer, la poudre et le sang. Celle du sieur de Montferrand, noble gascon au tempérament explosif, en fait partie.

Dans le Bordeaux du XVIIᵉ siècle, le Palais de l’Ombrière était le théâtre de bien des sentences… mais rarement d’affaires aussi sulfureuses. Un duel d’honneur entre gentilshommes, un mort dans la boue, un procès au Parlement de Guyenne — et, à la clé, une exécution qui fit trembler la noblesse locale.

⚔️ Un duel interdit mais inévitable

Nous sommes vers 1622, dans un Bordeaux partagé entre fastes aristocratiques et rigueur royale. Les édits d’Henri IV puis de Louis XIII ont pourtant interdit les duels, sous peine de mort. Mais dans la Guyenne, la loi du roi pèse moins que celle de l’honneur.

Le sieur de Montferrand, issu d’une ancienne famille de la noblesse bordelaise, aurait provoqué un rival — un capitaine du port nommé de Lavergne — à la suite d’une dispute lors d’un bal chez un marchand de vin du quartier Saint-Pierre. Quelques mots de trop, un coup d’épée tiré, et le duel fut décidé.
Au petit matin, sur les berges du Peugue, près de la rue du Mirail, les deux hommes croisent le fer. Le capitaine de Lavergne tombe, transpercé.

⚖️ Le Palais de l’Ombrière fait un exemple

Le Parlement de Bordeaux, siégeant alors au Palais de l’Ombrière, est saisi du crime.
Le duel, interdit, est considéré comme un acte de rébellion contre l’autorité du roi. Le sieur de Montferrand, arrêté, est conduit dans les geôles du palais, les fameux cachots du Roi.
Son procès passionne la ville : le public se presse autour du Palais de l’Ombrière, espérant apercevoir le noble criminel.

Les magistrats parlementaires, fidèles à la volonté royale de réprimer les “affaires d’honneur”, sont impitoyables. Le verdict tombe :

« Messire de Montferrand, convaincu d’avoir tiré l’épée contre l’édit du Roi et donné mort volontaire à son semblable, sera mené à la place du Pilouret pour y être décapité. » — Registre du Parlement de Guyenne, cité par Bernadau

Le 17 avril 1623, la sentence est exécutée place du Pilouret (actuelle place Fernand-Lafargue), où se dresse alors le pilori du Parlement. Le bourreau, payé par la ville, fait tomber la tête du gentilhomme au milieu d’une foule dense. Bordeaux n’avait pas vu pareil spectacle depuis longtemps.

🩸 Une affaire qui scandalise la noblesse

L’affaire du sieur de Montferrand fait grand bruit. Beaucoup voient en lui un martyr de l’honneur, condamné pour avoir défendu son nom. Mais pour le roi Louis XIII, c’est un signal : la justice royale doit primer sur le duel et la vengeance personnelle. L’Ombrière devient le symbole de cette nouvelle autorité qui s’impose à la noblesse gasconne, réputée indocile.

Pierre Bernadau, dans Le Viographe bordelais, note avec ironie :

« Bordeaux, qui jadis battait le fer pour un sourire, battit des mains devant le couperet. Ainsi s’acheva l’âge d’or du duel. »

💀 Un fantôme d’épée au Palais

Une légende locale veut qu’après son exécution, le spectre du sieur de Montferrand ait hanté les ruines du palais. On aurait entendu, la nuit, le bruit d’une épée traînant sur les dalles ou frappant les murs du cachot.
Les Bordelais disaient que le dueliste revenait réclamer son honneur. Une rumeur que le peuple adorait, dans une ville où la frontière entre justice et vengeance restait floue.

🤓 FAQ pour briller en société

👉 Les duels étaient-ils fréquents à Bordeaux ?
Oui ! Au XVIIᵉ siècle, Bordeaux était l’une des villes les plus “querelleuses” du royaume. On se battait pour une injure, un regard ou une place au théâtre.

👉 Pourquoi le Parlement condamnait-il si sévèrement ?
Parce que le duel était perçu comme une atteinte directe à l’autorité du roi. Louis XIII voulait briser la tradition gasconne de la vengeance.

👉 Où se déroulaient les exécutions ?
Place du Pilouret (actuelle place Fernand-Lafargue), où se trouvaient le pilori et les instruments du bourreau.

👉 Le Palais de l’Ombrière existe-t-il encore ?
Non, il a été rasé au début du XIXᵉ siècle. Il ne reste que son souvenir… et, peut-être, l’ombre du sieur de Montferrand.

📚 Sources à mentionner dans WordPress

  • Pierre Bernadau, Le Viographe bordelais ou Revue historique et pittoresque des monuments de Bordeaux, 1843 – Gallica / BnF
  • Abbé Patrice-John O’Reilly, Histoire complète de Bordeaux, 1857 – Gallica / BnF
  • Auguste Bordes, Histoire des monuments anciens et modernes de la ville de Bordeaux, 1845 – Google Books
  • Archives départementales de la Gironde, Registres du Parlement de Guyenne (cotes G 527-540)
  • Musée d’Aquitaine, Parlement et justice à Bordeauxmusee-aquitaine-bordeaux.fr
Partager :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *